Coudre, nourrir, soigner… Ces gestes qui racontent la place des femmes à travers l’histoire

Coudre

«Quand on songe aux travaux qui ont longtemps rythmé les jours des femmes viennent d’abord à moi ceux qu’on appelle les travaux d’aiguille. Une femme au foyer ne doit jamais rester sans rien faire, c’est bien connu», pose d’emblée Sophie Coste. Avant de poursuivre : «L’oisiveté, mère de tous les vices, pourrait l’amener à concevoir de mauvaises pensées, comme par exemple tromper son époux et mettre au monde un bâtard – il faut donc la garder confinée, et à l’ouvrage. Au Moyen Âge, toutes les femmes, de toutes les classes sociales, filent, de la bergère à la noble dame, près du foyer ou de la fenêtre.» 

Puis, nous explique la chercheuse, l’image de la femme à sa couture s’impose comme idéal bourgeois de la vertu féminine et domestique après un long processus de féminisation entamé au XVIIe siècle – le roi érige le métier de couturière en corporation en 1675 – et qui culmine au XIXe siècle. Sophie Coste cite Agnès, jeune fille tout juste sortie du couvent dans L’École des femmes de Molière, qui, à la question «Qu’avez-vous fait encore ces neuf ou dix jours-ci ?», répond avec candeur : «Six chemises, je pense, et six coiffes aussi.» Fantine dans «Les Misérables», de Victor Hugo, coud dix-sept heures par jour de grosses chemises pour les soldats de Montreuil-sur-Mer ; Denise, humble vendeuse du «Bonheur des dames», de Zola, n’a que ses nuits pour repriser son linge. 

Sophie Coste rappelle qu’avec l’apparition de la machine à coudre, les couturières sont recrutées en masse pour travailler douze heures par jour dans des ateliers. Pour les jeunes filles sans le sou, l’apprentissage de la couture, dès l’enfance, est l’espoir d’un gagne-pain accessible. Les écoles se multiplient pour les préparer à ce qui devient le métier féminin par excellence. Bientôt, la IIIe République rend obligatoire l’enseignement de la couture dans les écoles pour filles. «Le geste de coudre est, dans l’Histoire, comme un invariant de la féminité. […] Moi-même, je me souviens avoir eu des leçons de couture ! Si j’ai aujourd’hui le désir d’en reprendre, ce ne sera pas pour m’exercer minutieusement comme alors aux différents points de couture, mais pour tailler et réaliser des vêtements !», s’amuse l’auteure.