Coudre, nourrir, soigner… Ces gestes qui racontent la place des femmes à travers l’histoire

Laver

Les femmes s’occupent depuis toujours du linge – elles sont lavandières, blanchisseuses, repasseuses… Peintres et poètes les ont beaucoup représentées dans cet exercice. Bien des personnages de romans le rappellent, telle la Gervaise de «L’Assommoir», de Zola. «Encore aujourd’hui, la femme reste chargée du linge dans une majorité écrasante de foyers, même quand l’homme fait beaucoup de choses dans la maison, souligne la chercheuse. À en croire les sociologues, l’entretien du linge est le secteur qui résiste le plus au partage des tâches domestiques.»

Nourrir

«Le mot commence comme nounou, et nutrix désigne la nourrice en latin. Il ne s’agit pas d’alimenter mais d’allaiter, avec toute une imagerie développée, celle de la Vierge allaitante, bien sûr, mais aussi celle de la Voie lactée jaillie de la poitrine d’Héra, ou le lait de la louve qui nourrit Romulus et Rémus», reprend l’auteure. Après le lait, viendra la soupe. «Dans les campagnes, les femmes nourrissent les bêtes, puis portent la collation aux hommes à dix heures – car on se lève tous les jours à cinq heures du matin – avant de préparer le dîner. La mère est fondamentalement nourricière, ce qui à la fois est très beau et a pour revers une servitude millénaire.»

Porter

Porter, c’est-à-dire soutenir le poids, revient à la femme à divers égards. C’est elle qui est en charge du foyer, qui en a la responsabilité et le souci. On parlerait aujourd’hui de «charge mentale», mais cela ne date pas d’hier, analyse Sophie Coste. «Annie Ernaux a ces mots dans «La Femme gelée» : “Le linge à trier pour la laverie, un bouton de chemise à recoudre, rendez-vous chez le pédiatre, il n’y a plus de sucre.” La femme est celle qui est la dépositaire de toutes les tâches domestiques qu’on ne voit pas et qu’on ne respecte guère. Mais elle est aussi celle qui porte les enfants, c’est-à-dire celle qui les conduit au port de la vie. Porter, c’est proprement “amener au port”. Elle porte encore comme un arbre porte des fruits ou comme on porte un projet ou une œuvre : elle en a la charge jusqu’à la floraison.»

La femme est celle qui est la dépositaire de toutes les tâches domestiques qu’on ne voit pas et qu’on ne respecte guèreSophie Coste

Raccommoder

«Raccommoder, c’est rendre à nouveau commode, et c’est un terme réservé à l’espace domestique, donc à la femme, à l’inverse de l’ambition de la réparation, qui est davantage le fait des hommes. Ils sont chargés des grosses réparations, comme dans les métiers de charron, couvreur ou tonnelier, quand les femmes sont pour leur part spécialistes du raccommodage, textile en particulier, par nécessité économique – les mères reprisent les habits et les chaussettes des hommes et des enfants. C’est aujourd’hui un art perdu : on ne reprise pas les chaussettes, on les jette, et on répare seulement certaines machines, ou plus exactement, on les fait réparer par des professionnels. Le raccommodage est empreint de sollicitude : il s’agit de consolider ou de faire renaître un objet.» 

Si les femmes réparent quelque chose, ce sont les bêtises des enfants, telle la mère de la petite Sophie de Réan dans «Les Malheurs de Sophie», qui a laissé sa poupée de cire trop longtemps au soleil, si bien que ses yeux de verre se sont détachés. «Elles raccommodent aussi dans le sens de réconcilier. Elles rabibochent, rétablissent le lien entre les êtres quand il a été dénoué ou brisé.»