Coudre, nourrir, soigner… Ces gestes qui racontent la place des femmes à travers l’histoire

Tricoter

«C’est un geste que j’ai eu grand plaisir à évoquer parce que, pour moi, il comprend une composante de chaleur, de souplesse par rapport aux autres activités textiles. On tricote pour protéger du froid et envelopper d’amour un être qui nous est cher, l’exemple-type étant la brassière que l’on tricote pour le bébé qui va naître. C’est aussi de cette façon qu’est né le pull marin, rappelle la spécialiste. Les femmes tricotaient des pulls pour leur mari dans une laine extrêmement solide, imperméable, très chaude, avec en plus ce détail extraordinaire : elles y inscrivaient un motif à elles, afin qu’en cas de naufrage et de décès, on puisse identifier les corps. Inversement, on a aussi des mythes, comme celui des tricoteuses de la Révolution. Elles ont été érigées en monstres, en femmes qui venaient se repaître des exécutions, tricot à la main, alors que c’est un mensonge ! 

Elles venaient écouter les débats parce qu’elles en avaient le droit, souvent avec un ouvrage de tricot à la main parce qu’elles n’étaient que tolérées et qu’elles devaient, comme toujours, se défendre de toute oisiveté. Mais parce qu’elles ont transgressé un tabou en sortant de chez elles, en prenant place dans l’espace public, la rumeur en a fait des espèces d’ogresses.

Ce qui est étonnant, c’est qu’à l’origine, le tricot n’était pas une occupation exclusivement féminine. Les hommes tricotaient aussi, en marchant dans les campagnes, ou en menant un attelage, par exemple, quand la route filait droit. Et puis est apparu cet idéal, qui a culminé au XIXe, de la femme enfermée faisant de menus travaux…» 

Sophie Coste a notamment codirigé «Ponge et ses lecteurs» (Éditions Kimé, 2014). 
Dernière publication : «Gestes de femmes», de Sophie Coste, Éditions Philippe Rey, 256 p., 20 €.